Allez Viens !
Félix Radu
3:33Imaginons, on est là, dans un café Les gens parlent autour de nous Le serveur est appuyé quelque part sur le bar Y a du jazz qui passe à la radio derrière Quelque chose de doux et d'inspiré Ça va bien avec tes cheveux C'est con de dire ça, qu'une musique va bien avec des cheveux Mais à ce moment-là c'est le cas, alors je te le dis "Ça va bien avec tes cheveux" Et ça te fait rire Et ce rire-là, il me fait mourir de toi Le serveur vient, nous demande ce qu'on veut Moi, je te veux toi, mais ça, je le dis pas J'attends de savoir ce que tu prends pour m'adapter Dans ma tête, je range mes sujets de conversation par boisson Si tu prends un thé, un coca, un jus d'abricot, pourquoi pas J'suis prêt à tout dégainer Parler du temps qu'il fait, de sport, même de cinéma Tu prends du vin Du vin rosé Et moi, je réalise que j'ai pas révisé ce sujet-là Alors on se regarde et tes sourires discutent avec mes silences Je les sens trembler dans ma voix Pas longtemps, enfin je veux dire quelques secondes Mais en amour, c'est bien suffisant pour mourir une bonne centaine de fois À ce moment-là, j'ai envie de te dire mille choses Te raconter la vie si on partait comme ça Qu'on sautait dans un avion direction j'sais pas Te raconter tes yeux, ta bouche, ton rire, te dire que depuis toi Depuis toi, la vie, elle a comme appris des couleurs qu'elle connaissait pas Le bleuriel, c'est la couleur de ton absence Le rougirions, celle de ta main qui glisse dans la mienne Le vertigreu, alors le vertigreu, c'est quand tu te recoiffes de la main droite En faisant la moue comme un enfant Alors, oui, je sais, celle-là, elle est très technique Mais je la guette comme un arc-en-ciel après l'orage En fait, je crois que tu me rends fou J'ai renversé mon cœur, il déborde de partout Je comprends plus rien à mes sentiments J'suis heureux du coude, je désespère des genoux Y a mon bide qui est amoureux de toi Mon bide, putain, mais c'est pas sa fonction Il est con mon bide, il veut plus rien manger et à l'inverse Je te dévore des yeux et le pire C'est que ça me rend heureux J'ai jamais été aussi vivant que comme ça, alors je voudrais te dire tout ça Et ça se condense et ça se bouscule dans ma tête Et, et je dis "ça va?" C'est bête "ça va?" C'est tout petit "ça va?" Mais c'est tout ça C'est le Big Bang avant le Big Bang C'est l'univers avant toi Et toi, tu m'embrasses Tu m'embrasses comme ça À la table du café Enfin, je sais pas, j'suis pas sûr, peut-être qu'à ce moment-là on n'y est plus On est peut-être sur Mars, dans un avion, dans une fusée C'est plus tellement important, tu m'embrasses Et moi, je meurs de froid, je meurs de chaud Un truc entre l'hiver et l'été En fait, tu réinventes le printemps à chacun de tes baisers Tu m'embrasses et j'entends plus Ni les gens, ni le jazz, ni le garçon de café C'est comme si je tombais dans une autre réalité Et cet instant-là, il dure l'infini + 3 3 quoi? J'sais pas, mais ça dure ça Exactement ça et ces quelques secondes-là, moi Je suis roi Et mon royaume est un café en bas de chez toi La soirée continue, tu me racontes ta vie et j'adore ça Parfois, je fais semblant d'être distrait pour te la faire répéter une deuxième fois À un moment, ton pied trouve le mien sous la table Il le frôle, distraitement, l'air de rien, plusieurs fois Et j'ai l'impression qu'on fait l'amour en secret Rien qu'en effleurant nos chaussures C'est même mieux que ça, on fait un truc qui a pas de nom Un truc qui existe pas, qu'on aurait inventé juste pour ce moment-là Nos conversations deviennent des prétextes pour se frôler Et le reste, non, non ça, je le dis pas Imagine, une table, une radio, deux verres vides laissés là Et toi qui m'attrapes par le bras