Melanzana

Sa peau lie de vin
Au toucher si lisse
Le creux de ses reins
Déraison et vice

Sa couleur brillante
Fait d’elle un joyau
Ma voix haletante :
« J’te prends dans l’frigo ! »

J’aime l’aubergine !

Parmi les légumes 
Et parmi les fruits
Cinq fois par jour 
Souvent dans la nuit

Il me vient l’image
D’elle cuisinée 
Dans mon œsophage 
Toute absorbée 

J’aime l’aubergine

Ma première fois
Hier en Italie 
C’est Melanzana
Qui m’a tout appris
Quand dans mon palais
Jouait la cithare
Elle me dévoilait
Son goût de caviar

Caviar… d’aubergine

Très tôt le matin
Je fais les marchés
Pour un cageot plein
Je pourrais tuer

Retrouver les formes
Les mensurations
De ce corps hors norme
Son cœur champignon 

J’aime l’aubergine

Avant la découpe 
Tout près de l’évier
Quand je vois sa croupe
Elle me fait bader

Couchée sur la poêle  
Juste avant de frire
Surgit l’animal 
Le désir en pire
J’aime l’aubergine

Quand elle gratine
Lorsqu’elle se grille
Pendant qu’elle marine
Ma raison vacille

Mon histoire folle
Ce trop lourd secret 
À ceux du village
Je l’ai raconté 

Eh les gars ! J’aime l’aubergine !

Et depuis ce jour
Je suis la risée 
Grave maladie
Qu’ils m’ont décelée

Fini l’aubergine 
Manger des cachets
Suppo d’aubépine
Avant le coucher 

Aie... J’aime l’aubergine !


Les psys me demandent
Si j’ai des recettes 
Pour la cuisiner 
Avec de la blette

Quand dans le cellier
Un poireau pompette 
Veut lui faire du pied
Moi je perds la tête

J’aime... l’aubépine 

Avec l’aubépine
Je suis en amour
Du moins je fais mine
Pendant quelques jours

Le temps de gagner
À pied l’Italie
Pour te retrouver 
Melanzana... chérie 

« Melanzana ! J’arrive ! Melanzana ! Je veux murir avec toi !
 - C’est moi ton céleri ! »