Allô … Tu M’Entends ?
Brigitte
3:00Voilà la mer m'a recrachée et je reviens toute nue Sur la terre des vivants Je ne sais que faire de cette peau et de mon sang Je ne comprends même plus cette langue que je connais si bien pourtant Comme si le voyage n'avait pas existé J'ai deux trous à la place des yeux, Néant La beauté m'a crevée La lumière enchantée des halos pâles M'a aveuglée, terminé. Voilà la mer m'a rendue à la terre. Voilà la mer m'a recrachée, l'ailleurs m'a expulsée A poil comme j'ai toujours été Jetée sur les graviers C'est bien d'ici d'où je viens Je suis d'ici pas d'ailleurs l'ailleurs je l'ai déjà dit n'existe pas et d'ailleurs je m'en bats La mer m'a recrachée car il faut bien revenir, Il faut bien s'unir et ne plus s'appartenir, Dans une maison en pierre chaude, habitée Et les trains de nulle part qui viennent Encore nous chercher Nous faire rêver Des instants, juste des instants Prends ça Tu reprendras bien un dernier verre Promis je n'irai pas toute nue sur la place des passants Promis je ne dirai rien, absolument néant de ce voyage De toute façon personne n'y comprendrait rien Comme d'hab' Tu parles, tu racontes, tu t'excites sur ton idée Et le regard des autres sur ta bouche La fait tomber Flan, vide, néant C'est que je veux retrouver mon exil Voilà la mer m'a recrachée, l'ailleurs m'a expulsée A poil comme j'ai toujours été Jetée sur les graviers Oui je veux retrouver mon exil Cette langue que chantent en secret les enfants Mon exil, ma tour d'ivoire, mon orgasme lent Ici, il faut le dire je m'emmerde bye les goélands bye bye les géants la mer m'a recrachée et je reviens à poil Comme j'ai toujours été Nue et ébahie par tant de beauté Nue et abrutie abritée par les petits nuages roses Qui flottent Si l'on veut encore me déshabiller Circulez ! Circulez ! il n'y a rien à voir qu'une petite cage dorée J'ai le souvenir des algues qui reviennent Quand je me faufile humide dans la ville J'ai le souvenir de mes amies crevettes rieuses Le souvenir des marins morts perdus en mer qui cherchaient leur infante amour sur les îles d'infortune Vous tous je vous retrouve à la bibliothèque municipale A la page de ce livre que je n'arrive jamais à finir Et j'entends non loin mais très profondément blotti Dans mon tympan sympathique Le chant extatique des sirènes Mais vous ne me la ferez plus Je n'y crois plus à votre beauté, Voilà la mer m'a recrachée, l'ailleurs m'a expulsée A poil comme j'ai toujours été Jetée sur les graviers Je l'entends parfois entre deux rendez-vous Mon rêve Je l'entends cette mélodie ancienne Quand je marche, quand je me presse, quand j'enlace mes amis. J'enlace le rocher, la pierre qui garde ses histoires Je vous aime, cette mélodie n'est jamais loin entre nous Certains parlent de poésie Je l'ignore sinon elle me dévore cette langue que chantent en secret les enfants Voilà la mer m'a recrachée, l'ailleurs m'a expulsée A poil comme j'ai toujours été Jetée sur les graviers"