Terre Brûlée
Scylla
3:56J'étais c't enfant d'dix ans dans les ruelles d'Andalousie Mon père était sculpteur, il avait de lourds et sombres yeux Il taillait les mêmes pierres, les mêmes fleurs, les mêmes formes Mais changeait toujours un détail, comme la création de Dieu "Tout s'renouvelle toujours" c'est c'qu'il disait Ça l'fascinait, ses grands yeux noirs étaient humides Quand il m'disait que "tout s'ressemble, chaque fleur, chaque vague, chaque son Chaque nuage, chaque coucher d'soleil est unique" C'est pas si loin, je me souviens que nos larmes touchèrent le sol avant nos pieds Qu'un humain, ça devient qu'un migrant arrivant chez l'autre Que l'passeur a dans ses mains mon sort et tous nos billets Je n'rêvais que d'un match du Milan de Limoncello La vie, c'est donner des coups, mais ce paradis les rend tôt J'ai voulu tout oublier dans la Baia Di Ieranto Je me souviens des rues du port que les bandits citaient J'y ai vécu avec la mort et la mendicité Je nous revois hurlant au centre des ruines brûlantes Les murs de la ville, nos maisons, les ambulances La poussières et les cris, les bris d'verre, les corps, les cierges Au milieu, y avait elle, elle était belle comme le ciel Elle était belle, je m'en rappelle, le tajine, la mama Son gâteau mirabelle, sa magie, la marmaille L'odeur que laissait dans la médina toute sa menthe Soudain, tout ça remonte, c'est donc qu'ici tout ça manque (tout ça manque) Mon histoire s'arrête là où la tienne part Tous ces souvenirs ne m'appartiennent pas Quand ils me viennent, je m'laisse emporter par le flux J'me contente de les vivre et je ne parle plus Mon histoire s'arrête là où la tienne part Ces souvenirs ne m'appartiennent pas Quand ils me viennent, je m'laisse emporter par le flux J'me contente de les vivre et je ne parle plus Ah ouais, je me souviens de m'être approché de ces flammes de ceux qui crient Moi, je ne savais pas qu'un humain, ça peut brûler vif Ils appellent ça la "vengeance" mais ça se dit "crime" J'ai vu les morts se consumer, ceux qui peuvent hurler vivent Papa m'a dit qu'on était pourtant sur nos terres Alors pourquoi les obus tombent comme la pluie sur nos têtes? Je ne me souviens que de sa voix, que de ça Qui me l'a pris, je n'veux pas le savoir (eux le savent) J'revois la bruine, je revois nos virées d'folies Je revois la brume s'accrocher aux milliers d'collines Le dégradé du ciel, la douce humidité d'l'air Le présent écrasant, l'humilité d'hier J'vois la radio, les parents d'vant l'école primaire J'revois les gosses courir et escalader leurs dos Toutes ces personnes semblaient des gens ordinaires J'ai pas vu l'monstre qui se cachait sous leur peau (sous leur peau) Je me rappelle les avoir vus jouer jusqu'à la fin Leur dignité comme réponse à la violence des hommes Du radeau d'sauvetage, on s'y entassait dans la cale à vingt J'me souviens plus d'leurs visages, mais leurs violons résonnent J'me souviens d'l'air, j'me souviens du morceau J'me souviens, on avait encore le corps chaud J'me souviens du morceau, j'me souviens du roseau J'me souviens des projos, j'me souviens de Jojo Mon histoire s'arrête là où la tienne part Tous ces souvenirs ne m'appartiennent pas Quand ils me viennent, je m'laisse emporter par le flux J'me contente de les vivre et je ne parle plus Mon histoire s'arrête là où la tienne part Ces souvenirs ne m'appartiennent pas Quand ils me viennent, je m'laisse emporter par le flux J'me contente de les vivre et je ne parle plus