Balançoires Éternelles
Lynda Lemay
3:58UN SOIR DE SEMAINE C'était un soir, un soir de semaine et d'caféine Un soir où ta chaise et la mienne étaient voisines C'était au rendez-vous des âmes abîmées Sous des néons bègues, gênés par la fumée C'était le soir, 8 heures, au sous-sol de l'église Là où les cœurs, tour à tour, faisaient un strip-tease C'était au cœur d'un regroupement de grands blessés Là où les pleurs se donnent le droit d'éclabousser C'était le soir et Dieu, à l'étage du dessus Dans son sommeil du juste n'a rien entendu C'était le soir quand nous nous sommes mis à nu Quand nos tristes histoires se sont reconnues C'était un soir d'orage, un soir d'après-rechute Un de ces soirs où certains poignets se charcutent Je m'en foutais qu'tu sois obèse, que tu sois brute Tu t'en foutais que j'sois mauvaise, que je sois pute C'était un soir, un soir de semaine et d'nicotine J'avais l'week-end encore tout chaud dans les narines C'était au carrefour des écorchés anonymes Là où l'on partage un mal de vivre unanime On était tous des frères de sang et d'café tiède Rassemblés chez notre vieille mère le besoin d'aide Nous deux n'avions pas de crochus que nos atomes Et de vidés, pas que nos verres en styrofoam C'était le soir, et Dieu, à l'étage du dessus Malgré l'invitation, n'est jamais descendu J'suis pas certaine mais j'crois qu'nos confessions tordues L'auraient laissé de marbre et froid comme sa statue C'était un soir, un soir de semaine et de pleine lune Un soir où ta chaise et la mienne ne faisaient qu'une Je m'en foutais que tes gros bras soient tout tatoués Tu t'en foutais que mes petits bras soient tout troués C'était un soir qui aurait pu être le dernier Si les chaises avaient été autrement placées Au fond, peut-être que Dieu était passé plus tôt P't-être que c'est lui qui avait écrit le scénario C'était pas exactement c'qu'on appelle un mariage Mais quand l'clocher s'est fait foudroyer dans l'orage On a vu les néons toussoter puis s'éteindre Et nous en avons profité pour nous étreindre C'était pas exactement c'qu'on appelle un coup d'foudre T'étais pas là pour jeter à mes yeux plus de poudre J'ignorais qu'ça s'pouvait que l'amour se développe Quand on a sali tout c'qu'on avait d'amour-propre Ça s'est passé tout près d'un tiroir à soutanes Ça s'est passé grâce à deux chaises et à une panne À la lueur des flammes d'une dizaine de briquets Y'avait qu'entre nous deux que le courant passait Nous sommes sortis comme deux aveugles sans leurs cannes J't'ai invité à venir siroter une tisane La tempête faisait rage, il tombait des gros clous Nous avons traversé l'orage bras d'sus, bras d'sous!